De plus en plus d’initiatives sont mises en place dans nos villes pour modifier les déplacements et réduire les émissions de gaz à effet de serre qui en découlent. C’est le cas de l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville, où se tient un projet-pilote pour réduire l’utilisation de l’auto solo. En plus de mesures habituelles comme la promotion du transport actif, les zones d’apaisement de la circulation autour des écoles et la mise en place de sens uniques et de saillies de trottoir, l’arrondissement mise sur des communautés de partage de véhicules.
Le CÉRSÉ, en collaboration avec la Chaire Mobilité de Polytechnique, a été mandaté pour évaluer les résultats de ce projet. André Poirier, professeur-chercheur en techniques de recherche et de gestion de données, et Pauline Wolff, chercheuse et conseillère en transfert, nous en parlent.
Quand ce projet a-t-il commencé et quel en était le but?
P.W. En 2019, l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville a obtenu un financement du programme Climat municipalités pour un projet de réduction de l’auto solo dans le quartier sociologique Ahuntsic. En plus d’avoir mis en oeuvre des aménagements facilitant le transport actif (pistes cyclables, zones limitées à 30 km/h, mesures d’apaisement de la circulation, etc.), une des actions phares a été de mettre en place des solutions alternatives de mobilité, par des communautés de partage de véhicules (automobiles, vélos cargos, etc.), grâce à l’initiative LocoMotion de Solon.
C’est ici que le CÉRSÉ entre en scène. Notre mandat est d’évaluer la perception des citoyens par rapport à ces nouvelles options de déplacement et de brosser un portrait de l’évolution de leurs habitudes, de leur rapport au voisinage et de leur sentiment d’appartenance. En parallèle, Catherine Morency de la Chaire Mobilité de Polytechnique Montréal est responsable d’évaluer l’impact du projet sur la réduction des GES.
L’étude porte sur les habitudes des citoyens au niveau de leurs déplacements, que voulez-vous évaluer plus précisément?
A.P. Le plan de départ était de mesurer l’impact du projet Mobilité de quartier sous la forme d’une mesure avant/après auprès d’un même groupe de répondants : on aurait mesuré leurs habitudes de déplacement avant le déploiement du projet par un sondage en porte-à-porte, et un an après grâce à un rappel par courriel. À l’aide de tests statistiques, on aurait pu mesurer si le projet avait eu des changements statistiquement significatifs sur ces habitudes.
La COVID-19 nous a obligés à abandonner la collecte en porte-à-porte, qui devait avoir lieu en juin 2021. Même si les plans ont changé quelque peu, le but de l’étude demeure toujours de mesurer des changements dans les habitudes de déplacement des citoyens d’Ahuntsic, en lien avec le projet. Le porte-à-porte a été remplacé par un questionnaire en ligne, construit à l’aide de l’outil LimeSurvey. Un lien vers celui-ci a été partagé en 2021 dans le journal local, les infolettres de l’arrondissement, partagé dans la cadre de kiosques ainsi que dans des publicités en ligne visant le quartier Ahuntsic précisément.
Outre l’abandon du porte-à-porte en 2021, avez-vous eu besoin d’adapter d’autres aspects de l’étude?
A.P. Pour la prochaine collecte, qui aura lieu à l’automne 2022, nous ajouterons quelques questions afin de mesurer l’impact de la COVID-19 sur les habitudes de déplacement des citoyens. On veut en ce sens s’assurer de distinguer les changements dans les habitudes de déplacement associés à la pandémie et ceux associés au projet Mobilité de quartier entre l’an 1 et l’an 2.
Quels aspects de votre expérience en recherche sociale ont été mis à profit dans ce mandat?
A.P. Dans une autre vie, j’étais consultant en recherche. En 2009, nous avions fait une démarche semblable au projet actuel pour le compte de la Société de transport de Laval (STL) en collaboration avec Vélo Québec. J’ai donc suggéré à l’équipe de recherche du CÉRSÉ de reproduire une méthodologie utilisée à l’époque. Côté technique, la plateforme de sondage que nous avons utilisée s’appelle LimeSurvey, une plateforme performante que j’enseigne dans mes cours en Techniques de recherche et de gestion de données. Une de mes étudiantes a été impliquée dans l’informatisation du questionnaire original et je me suis chargé de l’informatisation du questionnaire qui sera distribué à l’automne 2022.
Enfin, le rapport a été une coréalisation de Pauline Wolff, Christine Préfontaine-Meunier et moi-même. J’ai utilisé mon expertise dans l’application de tests statistiques pour faire ressortir les différences significatives dans le rapport de recherche, notamment entre les divers voisinages du projet.
Pour en savoir plus
Le projet Mobilité de quartier pour la réduction de l’utilisation de l’auto solo fait partie du programme Climat municipalités. Ce programme du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques possède une enveloppe de 40 M$ pour financer des projets novateurs de réduction de GES.