La Fresque du Numérique: un outil pour mieux comprendre les enjeux de la pollution numérique

04/05/2022

étudiants participants à la fresque du numérique

Dans notre monde complexe où nos choix ont souvent des impacts beaucoup plus variés et vastes que ce que l’on imagine, il est souvent difficile d’avoir toutes les informations nécessaires pour prendre des décisions responsables. C’est d’autant plus vrai dans l’univers du numérique, où des interfaces toutes simples en apparence cachent souvent un univers complexe, où la pollution numérique s’accumule sans que l’usager n’en ait la moindre idée.

Heureusement, cet enjeu attire de plus en plus l’attention. C’est dans une optique de sensibilisation à cet enjeu qu’a été pensée la Fresque du Numérique, un atelier ludique qui amène les participants à découvrir le poids numérique de leurs actions en ligne.

Anne-Marie Burns, professeure-chercheure en techniques de l’informatique au Collège de Rosemont, a eu la chance d’animer plusieurs de ces ateliers auprès de ses étudiants. Elle nous présente ici de quoi il s’agit, et les impacts qu’ont eu ces ateliers pour des étudiants en début et en fin de parcours collégial.

Pourrais-tu nous présenter ce qu’est la Fresque du Numérique et à qui ça s’adresse?

La Fresque du Numérique est un atelier collaboratif grand public. L’atelier, misant sur l’intelligence collective, se déroule en plusieurs tours où un petit nombre de cartes illustrées avec des textes explicatifs sont révélées. Les joueurs rassemblés en équipes doivent relier les cartes entre elles afin de former une analyse du cycle de vie. Dans la Fresque du Numérique, on découvre alors le poids environnemental et sociétal de nos usages du numérique, de la conception de nos appareils et infrastructures jusqu’à leur fin de vie.

Fresque du numérique au Collège de Rosemont

En plus de l’analyse du cycle de vie, l’atelier comporte des pistes de solutions. Ceci permet de découvrir des choix qu’on peut déjà faire en tant que consommateur du numérique. Cela conscientise également nos étudiants à l’influence qu’ils pourront avoir dans leur futur métier de technicien ou technicienne en informatique. L’idée n’est pas de les décourager, bien que cela puisse être une des émotions que l’atelier suscite, mais de les outiller pour qu’ils puissent être les décideurs de demain en termes de numérique responsable.

J’ai également animé l’atelier avec un groupe d’étudiants finissants. Dans ce cas, la Fresque du Numérique est un point de départ pour pousser la réflexion plus loin en utilisant ensuite d’autres ateliers, par exemple sur des questions d’éthique des algorithmes et de l’intelligence artificielle ou encore sur l’écoconception numérique.

Quand tu as animé la Fresque avec des étudiants finissants, quel type de réactions l’atelier a-t-il suscité?

La première réaction est souvent une réaction de découragement. En effet, l’atelier permet de prendre la mesure des impacts bien réels du numérique alors qu’on a plutôt l’habitude d’associer numérique et dématérialisation. Soudain, on se rend compte que le « nuage » pèse pas mal lourd. Nos appareils sont de plus en plus petits et nos données sont de plus en plus stockées à distance, on a donc une fausse perception de légèreté. Si, par exemple, tous nos documents numériques étaient imprimés et se retrouvaient sur notre bureau physique, on se sentirait envahi. Lorsque ces mêmes documents sont numériques, on a tendance à les oublier.

Heureusement, la deuxième moitié de l’atelier propose des pistes de solution. Là encore, les participants prennent conscience que changer n’est pas si facile et que c’est difficile de trouver des consensus.

Est-ce que je me sens capable de dénumériser mes activités, de conserver mon téléphone 5 ou 10 ans ou encore de ne pas succomber à un écran plus grand? Ce qui paraît faisable pour certains peut être difficile pour d’autres. Puisque l’atelier s’adresse au grand public, les solutions sont plutôt celles que tout citoyen peut entreprendre pour lui-même en tant que consommateur, ou alors on l’encourage à demander aux entreprises et gouvernements, par le biais d’actions militantes ou de sensibilisation, l’instauration de réglementations ou de lois.

J’espère, dans un avenir proche, pouvoir compléter cet atelier par des ateliers d’écoconception numérique. Ainsi, nos finissants pourront voir comment les choix des concepteurs d’applications et d’équipements numériques peuvent avoir des impacts concrets sur l’obsolescence technique et même psychologique, ainsi que sur la quantité de ressources locales et infonuagiques nécessaires au fonctionnement des applications.

Lorsqu’un tel atelier se déroule en ligne, comment fonctionnez-vous?

Comme ça s’adresse au grand public, on peut y participer dans des ateliers organisés en présence ou en ligne. J’ai eu l’occasion d’y participer en tant que joueuse en ligne en temps réel avec des francophones de plusieurs régions du monde, dont principalement la France, où l’association La Fresque du Numérique et la majorité des animateurs résident.

Lorsque j’ai participé en ligne à l’un des ateliers officiels de la Fresque, la rencontre se déroulait par Zoom. Afin de limiter l’utilisation inutile de la bande passante qui, lorsqu’on s’intéresse au cycle de vie, mobilise beaucoup de ressources, les participants ont été invités à ouvrir leur caméra uniquement pour se présenter.

Pour la suite de l’atelier, nous étions dirigés vers un tableau blanc virtuel où les cartes étaient dévoilées au fur et à mesure que l’atelier progressait. Nous avions conservé l’audio seulement pour discuter entre participants sur la manière d’organiser les cartes afin de découvrir le cycle de vie découlant de nos usages du numérique.

Pour en savoir plus

La Fresque du Numérique a été créée par Aurelien Déragne et Yvain Mouneu. Elle est portée par une association du même nom que l’atelier et est disponible sous licence Creative Common. La Fresque du Numérique est inspirée par un autre atelier, lui aussi porté par une association : la Fresque du Climat. Créée en 2018, la Fresque du Climat se déroule sur 3 heures qui permettent au grand public de comprendre l’essentiel des enjeux climatiques pour ensuite passer à l’action. Le principe des deux ateliers est le même : découvrir les impacts environnementaux et sociétaux de nos activités à l’aide d’un jeu de cartes.